Comprendre les besoins écologiques de l’orang-outang dans un milieu fortement modifié par l’homme
Depuis 1998, les deux membres fondateurs de HUTAN (Drs Isabelle Lackman et Marc Ancrenaz) habitent en permanence à Sabah afin de développer le « Kinabatangan Orang-utan Conservation Programme » ou KOCP. Aujourd’hui ce programme emploie à temps plein plus de 50 villageois (tous issus des communautés locales) qui sont en charge du développement et de la réalisation d’activités de conservation.
Le programme « KOCP » a été développé par HUTAN au cours des seize dernières années. Ce programme est lui-même divisé en cinq unités majeures, dont l’« Unité orang-outang » (qui fait l’objet de cette demande de soutien), qui sont toutes interdépendantes et complémentaires.
L’approche est communautaire. En effet, impliquer les communautés villageoises qui sont en contact direct avec la biodiversité animale est essentiel pour développer des stratégies de conservation durables. Cette approche participative communautaire est complémentée par une approche coopérative intégrée avec le gouvernement et les industries privées (agriculture, foresterie, etc.).
L’habitat naturel des orangs-outangs (forêts de Bornéo et de Sumatra) disparait et est dégradé de plus en plus par l’exploitation humaine. De récentes recherches ont montré que plus de 70% des populations d’orangs-outangs qui survivent sur Bornéo vivent en dehors des zones protégées, dans de forêts qui sont exploitées par l’homme. Il est donc primordial de mieux comprendre comment l’orang-outang pourrait s’adapter à des changements drastiques de son habitat naturel si nous voulons assurer sa survie sur le long terme.
Les objectifs spécifiques du projet proposé incluent:
- Déterminer si (et comment) les orangs-outangs peuvent survivre dans des paysages agricoles principalement dominés par des plantations de palmiers à huile. Cette étude est organisée par l’équipe « orang-outang » de HUTAN et combine différentes approches pour mieux comprendre les capacités d’adaptation de l’espèce à ces nouveaux milieux : interviews avec les travailleurs qui vivent dans les palmeraies, suivi d’orangs-outangs sauvages habitués à la présence humaine qui vivent en forêt et pénètrent dans les plantations pour des raisons alimentaires ou autres, utilisation de piège-camera pour identifier les individus qui pénètrent dans les plantations, prélèvement de fèces pour des analyses génétiques, suivi botanique pour quantifier la production saisonnière de nourriture en forêt et en dehors, recensements réguliers de nids d’orangs-outangs pour documenter les fluctuations de densités animales, etc …
- Identifier des modes de gestion de conflits entre communautés locales et animaux sauvages (orangs-outangs et éléphants principalement). Les équipes du KOCP travaillent avec les villageois pour mettre en place des moyens de gestion des conflits entre hommes et orangs-outangs (et éléphants). En effet, ces deux espèces passent de plus en plus de temps dans les zones agricoles et sont parfois responsables de dommages considérables sur les récoltes. Il est donc essentiel de développer des techniques qui permettront de diminuer ces conflits et engendreront une meilleure tolérance de la part des communautés locales : barrière électrique, drains, patrouilles de garde, etc
- Rétablir une connectivité essentielle au maintien de corridors forestiers le long du fleuve Kinabatangan pour permettre les mouvements des orangs-outangs et des éléphants dans la région. En de nombreux endroits, les palmeraies isolent la forêt jusqu’aux bords de la rivière, et la zone riveraine (bande de terre qui borde la rivière) n’est plus fonctionnelle. La destruction de la forêt naturelle le long de la rivière empêche la migration des animaux et augmente les situations conflictuelles. Le projet tente de sécuriser des zones clefs qui sont primordiales pour les mouvements des animaux le long de la rivière. Par ailleurs, la destruction des grands arbres au-dessus des affluents de la Kinabatangan crée des barrières infranchissables pour les orangs-outangs. En effet, ces animaux ne peuvent pas nager. Les équipes établissent des « ponts à orangs-outangs » au-dessus de ces affluents pour rétablir la connectivité nécessaire aux déplacements et à la dispersion de ces animaux.
Résumé du rapport final (Octobre 2015) :
- La conclusion de l’étude menée est que les orangs-outangs utilisent épisodiquement les plantations de palmiers à huile comme source de nourriture ou pour se déplacer entre forêts, mais ils ne peuvent survivre uniquement dans des plantations sur le long terme.
- Concernant les conflits entre communautés locales et animaux sauvages, l’équipe a noté que les orangs-outangs détérioraient principalement les palmeraies récentes, ce qui n’est pas le cas de celles dans la zone d’intervention. De plus, les villageois, dont les vergers étaient aussi attaqués, sont désormais plus tolérants envers les primates.
- Plus de 40 hectares de terrain ont été acquis le long de la rivière, afin d’établir un corridor long de 10 kilomètres entre deux zones protégées. Pour cela, 10 000 arbres ont été plantés.
- Hutan prévoit de continuer son travail de conseil auprès des communautés, industriels et gouvernements. L’association prévoit également de poursuivre son étude sur le rôle des palmeraies à huile par rapport à la préservation des orangs-outangs ainsi que ses efforts de plaidoyer.
Découvrez l’autre projet mené par Hutan soutenu par la Fondation Ensemble.