Des méthodes de développement alternatives pour les communautés indigènes Awajun : Créer des possibilités de revenus supplémentaires grâce au patrimoine culturel et naturel local
Les populations indigènes Awajun se sont installées dans le bassin de l’Alto Mayo il y a 300 ans. Elles y ont trouvé de vastes espaces pour la chasse, la récolte de produits forestiers, et y développer leurs activités agricoles. Avec l’arrivée de paysans sans terre venus des Andes, ces communautés ont commencé à louer leurs terres aux familles de migrants pour qu’elles y cultivent du riz et du café. Non seulement ce système n’est pas viable et dessert les familles Awajun peu habituées aux transactions commerciales, mais il a aussi eu des conséquences environnementales négatives et a généré de nombreux conflits violents. Enfin, la construction de l’autoroute, qui a fait venir un nombre encore plus important de migrants sur leurs territoires, a eu pour conséquence de faire perdre aux Awajun du bassin de l’Alto Mayo une grande partie de leur patrimoine naturel et culturel.
Ce projet a pour objectif de soutenir la communauté Awajun de Shampuyacu, l’une des quatorze communautés attitrées de la province de l’Alto Mayo. Cette communauté, qui regroupe environ 220 familles, a massivement loué ses terres à des migrants andins. Le village a ainsi perdu environ 4.366 ha de terres, soit 89 % de son territoire.
Le projet aidera la communauté dans la gestion durable de ses terres et de ses partenariats avec le secteur privé, afin de stopper ou réduire la déforestation.
Ceci sera réalisé en :
- Créant les conditions permettant la commercialisation et la promotion d’au maximum quatre différentes espèces de plantes vendues sous la forme d’infusions.
CI a réussi à établir une relation de confiance avec la communauté indigène Awajun, grâce à son travail auprès des femmes dans la création d’un nouveau modèle commercial visant à vendre les plantes médicinales sous forme d’infusions. Non seulement ce travail leur procure une source potentielle de revenus, mais il constitue aussi une opportunité de sauver leurs savoirs ancestraux, tout en fournissant des produits alternatifs au marché en pleine expansion des plantes médicinales. Aujourd’hui, les Awajun souhaitent créer leur propre plan de commercialisation et leur marque, et sécuriser le capital d’amorçage nécessaire à la promotion de leurs produits dans les foires et autres événements de ce type.
Soixante-six femmes issues de la Communauté Indigène Awajun de Shampuyacu seront les bénéficiaires directes de ce projet, qui soutient leur travail dans le cadre de l’initiative « Bosque de las Nuwas » (« La Forêt des Femmes» en Awajun). Ce projet profitera aussi directement aux familles, à travers la culture, la récolte et la commercialisation des plantes médicinales, à la conservation et la restauration de l’écosystème, avec au final, des revenus plus importants et de meilleurs bienfaits pour la santé. Lorsque le projet commencera à susciter de l’intérêt au sein de la communauté et que les avantages potentiels seront plus visibles, le nombre de participants augmentera. Il s’agit d’un modèle commercial pilote qui, s’il réussit, génèrera de l’intérêt au sein des communautés Awajun voisines, et augmentera ainsi son impact et son rayonnement.
- Contribuant à la conservation des écosystèmes forestiers dans les communautés indigènes de l’Alto Mayo
Dans le même temps, ce projet permettra à Conservation International de s’engager auprès de la communauté Awajun de Shampuyacu, en proposant des accords de conservation aux membres de la communauté, mais aussi aux fermiers migrants. L’ONG soutiendra des activités ayant pour but la conservation de leurs forêts primaires, la restauration et l’enrichissement des forêts en jachère et des systèmes d’agroforesterie grâce aux plantes traditionnelles, l’amélioration de l’environnement et de la biodiversité au sein de la communauté, l’amélioration des revenus, la sauvegarde et la transmission des savoirs indigènes ancestraux, et l’arrêt de la déforestation. L’objectif est de mettre en place la conservation et la restauration de la terre, afin de contribuer aux efforts de réduction des changements climatiques et être ainsi intégrées aux programmes nationaux.
Les espèces qui ont besoin d’être préservées et restaurées comprennent une trentaine de variétés locales de manioc et d’herbes qui jouent un rôle important dans la santé et la sécurité alimentaire de la communauté, ainsi que des espèces indigènes d’arbres indispensables à la sauvegarde de la faune en danger, comme par exemple le singe Titi des Andes (Callicebus oenanthe) et la grenouille Pristimantis katoptroides (classée ‘en danger critique d’extinction’).
Conservation International souhaite obtenir le soutien du gouvernement provincial, régional et national afin de parvenir à une durabilité de ce projet sur le long-terme et de susciter l’intérêt des marchés spécialisés.
Résumé du rapport final (décembre 2021):
Afin de contribuer à la conservation des écosystèmes forestiers dans les communautés indigènes de l’Alto Mayo, une réserve forestière communautaire de 655 hectares a été créée et un système communautaire de surveillance et de patrouilles a été mis en place, autour d’une équipe de 16 personnes mobilisées par roulement. La zone a été géoréférencée, délimitée et démarquée et un système de zonage est désormais en place. La réserve forestière est divisée en 3 zones : une zone dédiée aux plantes médicinales traditionnelles (14 ha), une zone destinée à l’agriculture forestière (64 ha) et une zone protégée (576 ha). Une stratégie de genre a été définie et mise en œuvre, ce qui a permis de fixer et de renforcer les rôles des femmes dans les systèmes de production et dans les activités de gestion de la conservation. 70 femmes ont ainsi été responsabilisées et assurent désormais la prise de décisions concernant la gestion de la « Forêt des Nuwas » (dédiée aux plantes médicinales), tandis que 53 autres femmes sont désormais responsables des décisions concernant les pratiques agricoles durables mises en œuvre dans les plantations de cacao, de manioc, de café et de bananes sur une zone de production de 57 ha. 4 pépinières permanentes ont été mises en place et comptent actuellement 16 588 semis de plantes médicinales (de 20 espèces différentes) et 103 550 semis de manioc (39 variétés différentes). La culture du manioc a été cruciale au moment de la pandémie de COVID-19, puisqu’elle a permis de garantir la sécurité alimentaire de la population locale durant la période de confinement strict où les frontières des communautés étaient fermées. 65 agriculteurs Awajún (39 pour le café et 26 pour le cacao) ont adopté des pratiques biologiques sur 115 ha, et 15 agriculteurs mestizos ont fait de même sur 37 ha.
Afin de créer des conditions favorables à la promotion et à la commercialisation des plantes médicinales, y compris les tisanes, en s’appuyant sur le capital culturel des communautés Awajún de l’Alto Mayo, un accord de conservation avec la communauté Shampuyacu a été signé en novembre 2018 et devrait être reconduit à la fin du projet. 42 membres de ménages ont été formés à la récolte, à l’après-récolte et à la chaîne de valeur des tisanes Nuwa, ainsi qu’aux modèles de prix équitables et de création de valeur. Un manuel de bonnes pratiques a également été conçu et publié, avec la rédaction d’un protocole (en espagnol et en awajún) sur le processus de récolte et d’après-récolte des tisanes, décrivant les étapes à suivre pour correctement cultiver et récolter les plantes utilisées pour la confection des infusions produites par les Nuwas. Parmi les 8 recettes de composition retenues pour leur haute qualité, 2 ont été sélectionnées à des fins commerciales, à la suite des groupes de discussion qui ont été organisés. 25 ménages ont été formés à différentes pratiques liées à la récolte et au traitement des plantes médicinales et 8 ateliers ont été réalisés sur les marchés des tisanes et leur potentiel, réunissant 50 participants. Un logo, une marque et des supports de marketing ont été validés par la communauté et affinés par des spécialistes du graphisme. Le logo, la marque et les supports de marketing des tisanes Nuwa ont même été présentés aux Latin American Design Awards, remportant la 3e place dans la catégorie « packaging ». En raison de la pandémie de COVID-19, la commercialisation n’a débuté qu’à la fin du projet. De plus amples informations sont disponibles sur le site web dédié : www.bosquedelasnuwas.com.
Découvrez en vidéo le témoignage de Margarita Cumvia Sawau, bénéficiaire du projet.
Découvrez également « Women on a mission », un documentaire portant sur le projet (en anglais).