Éviter l’extinction des anges de mer en Adriatique
CONTEXTE
L’ange de mer est une espèce benthique en danger critique d’extinction en Méditerranée. Sa population est en déclin à l’échelle mondiale. Alors que l’ange de mer commun (Squatina squatina) était probablement répandu dans toute l’Adriatique orientale à l’aube du siècle passé, la surpêche, la pêche non sélective, la pollution et d’autres facteurs ont fait drastiquement baisser sa population au cours des cinquante dernières années. De récentes études confirment l’effondrement total des populations d’anges de mer, mais montrent que l’espèce est encore présente dans certaines zones de la mer Adriatique.
Contrairement à l’ange de mer commun, autrefois abondant, l’ange de mer ocellé (Squatina oculata) n’était observé que de façon sporadique, principalement en Adriatique centrale. L’espèce est aujourd’hui considérée comme éteinte sur les côtes croates, et il est probable qu’elle le soit également dans toute la mer Adriatique. Un récent rapport détaillé suggère qu’une espèce d’ange de mer serait toujours présente en Adriatique orientale (Squatina squatina), qu’une autre serait sans doute éteinte au niveau régional (Squatina oculata) et qu’une troisième espèce du genre Squatina aurait été observée pour la première fois (Squatina aculeata).
OBJECTIF
L’objectif de ce projet mis en œuvre par Sharklab ADRIA et ses partenaires est d’évaluer l’état actuel de l’ange de mer, en danger critique d’extinction, en mer Adriatique orientale, afin de pronostiquer l’évolution des populations et de proposer de nouvelles mesures régionales de conservation. Le projet prévoit la création d’une base de données fondée sur des sources fiables, l’évaluation des conséquences négatives de la pollution (micro-plastiques et déchets de guerre, notamment) ainsi que l’organisation d’activités éducatives et de sensibilisation.
ACTIVITÉS
Pour atteindre les buts et objectifs fixés, ce projet comportera des activités de recherche sur le terrain ainsi que des réunions avec les parties prenantes, puis une analyse en laboratoire des prises accidentelles (si des échantillons peuvent être obtenus) et la publication des résultats. Les études sur le terrain consisteront en une analyse détaillée des activités de pêche artisanale et des marchés du poisson dans toute l’Adriatique orientale, suivie d’une plongée technique et de l’utilisation d’un véhicule téléguidé dans les lieux sélectionnés. L’équipe tentera d’obtenir des spécimens de prises accidentelles déjà morts afin de mener des études pathologiques. Des ateliers/conférences seront organisés auprès de groupes clés (parties prenantes, étudiants) et du grand public, et suivis d’actions de communication dans les médias. À partir des résultats recueillis, Sharklab ADRIA et ses partenaires publieront des articles scientifiques originaux et proposeront des mesures de conservation régionales inédites spécifiques aux espèces ciblées, afin d’assurer la pleine protection juridique des anges de mer Adriatique.
Résumé du rapport final (Novembre 2021) :
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- Sur la durée du projet, 37 individus ont été observés (y compris des nouveaux-nés, des juvéniles et des adultes), au cours d’expéditions et signalés par les pêcheurs.
- Le projet a démontré que le Squatina squatina (CR), en danger critique d’extinction, est toujours présent dans les zones très fragmentées de l’est de l’Adriatique avec des enregistrements rares mais persistants, tandis que S. oculata est considéré comme éteint au niveau régional (RE).
- Les mesures de conservation in situ à long terme proposées ont été partagées avec les gouvernements de la région, tandis qu’un plan d’action sous-régional pour les requins-anges est actuellement en cours de finalisation.
- D’autres espèces en danger critique d’extinction, telles que la Centrine commune (Oxynotus centrina), ont été évaluées et les résultats publiés dans le Journal of Fish Biology.
- Des études sur les effets de la pollution sur le développement de maladies ont été menées et de nouvelles maladies survenant dans le parenchyme hépatique, les reins, les glandes nidamentales et le pancréas décrites.
- Des étudiants, de jeunes experts, des pêcheurs, des ONGs et le public ont été sensibilisés aux méthodes de recherche, aux sciences participatives et à la biologie.
- Le suivi de la population dans l’archipel de Zadar-Šibenik est nécessaire, tandis qu’une étude plus approfondie devrait être menée d’urgence dans les eaux albanaises.
Les résultats du projet ont été publiés en tant qu’article scientifique original dans le Croatian Journal of Fisheries : https://ribarstvo.agr.hr/en/issues/article/1328 (en anglais).
L’importance des résultats a été reconnue au niveau international et a fait l’objet d’un article dans le National Geographic, ainsi que dans d’autres médias régionaux. Un article récent a été publié dans le journal suisse « Le Temps » : https://www.letemps.ch/sciences/requin-ange-une-espece-sursis (en français, abonnement requis).
Nouveau-né (moins de 30 cm TL) capturé dans le chenal entre Rivanj et Mulin, à 15 m de profondeur et signalé par un pêcheur local. Photo © Sharklab ADRIA
Des études de terrain approfondies menées au cours du projet en partenariat avec DC Vosna. Photo © Sharklab ADRIA
Andrej Gajić lors de la plongée technique de recherche dans les plateaux de la péninsule de Pešeljac (Croatie). Photo © Sharklab ADRIA.
Andrej Gajić échantillonnant les espèces d'élasmobranches d'eau profonde, la raie bleue (Dipturus batis) en danger critique d'extinction et le requin à sept branchies (Heptranchias perlo) pour lequel les données sont insuffisantes, cachaient dans les pentes supérieures. Photo © Sharklab ADRIA.
Femelle adulte capturée avec des nouveau-nés et relâchée vivante avec succès dans l'archipel de Zadar-Šibenik. Photo publiée par : N. Kosanović
Spécimen adulte débarqué et relâché vivant par un pêcheur local en août 2021. Photo publiée par : N. Kosanović
Un mâle adulte mesurant 90 cm TL a capturé 1 NM au large de l'île de Smokvica mala, lors de l'expédition à Murtersko more (Croatie). Photo © Sharklab ADRIA.
Femelle subadulte capturée à 2 NM au large de l'île de Prišnjak à une profondeur de 70 m par bateau chalutier partenaire, lors des expéditions à Murtersko more (Croatie). Photo © Sharklab ADRIA.